CE n’est pas la première fois que les syndicats de police envahissent les bureaux d’un magistrat dans une action d’intimidation. La menace est claire tout autant que la bavure pour laquelle est incriminé le chef du poste de police d’El Mourouj, objet d’une instruction judiciaire. Ce rapport de force avec la justice, les syndicats des forces sécuritaires l’ont de tout temps entretenu.
A chaque interpellation d’un policier, la réaction des syndicalistes commence par élever un ton outragé, formuler des contestations par voie de communiqués ou sur les réseaux sociaux, ensuite la colère gronde et les menaces fusent pour enfin arriver à une démonstration de force. C’est ce qui s’est passé dans l’affaire Nesrine Karnah, cette jeune avocate qui avait rapporté à l’Ordre des avocats que le chef du poste de police d’El Mourouj V l’avait malmenée, frappée et séquestrée. Les caméras fixées à l’intérieur du poste de police ont pu clarifier les circonstances de la bavure. Une affaire a été instruite. Il n’empêche que le moindre regard de la justice sur cette affaire déclenche des colères. L’objectif étant d’éluder les faits incriminés à leur collègue ou de les minimiser. Pourtant, les gardiens de la paix sont des auxiliaires de justice censés faire respecter la loi et garantir l’Etat de droit. En agissant de la sorte, ils visent à mettre la pression et influencer le cours de la justice. Une pratique rédhibitoire qui risque de tétaniser les juges et de compromettre l’indépendance de la justice. Du côté des avocats, des voix se sont élevées pour dissoudre ces syndicats. Ce serait un grave retour en arrière. Par contre, la police de la police doit jouer pleinement son rôle de régulateur. C’est à lui de séparer le bon grain de l’ivraie. Mais aussi, il faut que les forces de l’ordre se mettent à l’heure des valeurs républicaines. Que la culture des droits et des responsabilités soit érigée en modèle d’action, de travail. Il faut que le poste de police soit un refuge pour le citoyen où il est bien traité. Qu’il y trouve l’aide, le secours et la compassion et non le rejet, les insultes et le mauvais traitement comme s’il s’agissait d’un vulgaire malfrat. Oui, il faut reconnaître que les Tunisiens ont peur de se rendre au poste de police. Car ils risquent d’y passer des heures interminables pour le quitter ensuite sans avoir trouvé secours ou aide. Cette situation n’a que trop duré. La relation avec les citoyens doit changer, s’améliorer. Et si un coup de règle sur les doigts des policiers récalcitrants s’impose, les structures de régulation s’en chargeront. A défaut, ils sont justiciables avec ou sans syndicat !